La rue était redevenue silencieuse, comme si rien ne s'était passé. Pourtant, le cœur de Ren battait encore comme un tambour. Il fixait ses mains tremblantes, s'attendant presque à y voir encore la fumée noire.
Mais il n'y avait plus rien.
Juste ses doigts, crispés, froids.
Hana Mizuki l'observait attentivement, prête à intervenir s'il perdait encore le contrôle. La lueur argentée autour de ses mains diminuait lentement, comme une flamme qu'on laisse mourir.
— Tu arrives à respirer ? demanda-t-elle.
— Je… oui, je crois… enfin… je sais pas…
Il inspirait trop vite, essayait de se calmer, mais l'image de l'ombre qui s'était formée en lui revenait encore et encore. Ce visage monstrueux, ces murmures étouffés… cette présence.
— Ce truc… ce pouvoir… c'était dans mon corps ? demanda-t-il, la voix brisée.
Hana hocha la tête.
— Oui. Et ce n'est pas "un truc". C'est ton Astra.
Ren se laissa tomber sur le trottoir, le dos contre un portail métallique. Il passa une main sur son visage.
— Pourquoi moi ?
Hana détourna les yeux.
Elle ne répondit pas tout de suite.
— Ren, je sais que c'est beaucoup d'informations d'un coup. Tu as peur, c'est normal. Mais tu n'es pas en danger… pas tant que je suis là.
Il déglutit difficilement.
— Et si… tu n'étais pas arrivée ? Si cette ombre m'avait tué ?
— Elle t'aurait capturé, corrigea-t-elle. Ou plutôt… ce qu'il y a en toi.
Ren blêmit.
— J'aime encore moins cette réponse…
Hana s'accroupit pour être à sa hauteur.
Son expression était étrangement douce, bien plus que lors de leur première rencontre quelques minutes plus tôt.
— Ren, écoute-moi bien. Les Spectres Astra ne chassent pas les humains normaux. Ils ne viennent que pour ceux qui possèdent une Astra, ou…
Elle hésita.
— Ou ceux qui possèdent une Astra Originelle.
Le regard de Ren se durcit.
— Et tu veux dire que… j'ai une de ces "Originelles" ?
— Oui.
— Laquelle ?
Hana inspira doucement.
— L'Astra du Chaos.
Ren ferma les yeux.
— Génial… Je suis maudit.
— Non ! dit-elle aussitôt.
Elle se rapprocha d'un centimètre.
— Le Chaos n'est pas mauvais par nature. Il est instable, dangereux, oui… Mais pas mauvais. Tout dépend de celui qui le porte.
Elle posa une main sur la sienne.
Ren sentit son cœur bondir dans sa poitrine.
— Ce pouvoir n'a jamais choisi de se réveiller tout seul. C'est toi qui l'as forcé.
Ren releva soudain la tête.
— Moi ? J'ai rien fait ! J'avais peur, j'allais mourir !
— Justement.
Elle le fixa droit dans les yeux.
— Tu étais prêt à te battre plutôt que de me laisser seule. Ce genre de volonté… résonne avec ton Astra. Tu l'as appelé sans t'en rendre compte.
Ren resta silencieux.
Son pouls se calmait peu à peu.
Après un moment, il demanda :
— Et toi ? Ton pouvoir…
Hana leva légèrement sa main.
Une lueur argentée s'y forma, douce comme la lumière d'un clair de lune.
— C'est l'Astra de Lumière Lunaire. Un pouvoir de purification, de guérison, mais aussi d'attaque. Je suis entraînée depuis mes huit ans pour m'en servir.
Ren la dévisagea.
— Donc… toi, tu maîtrises tout ça ?
Elle secoua la tête.
— Non. Personne ne "maîtrise" complètement son Astra. Mais je peux la contrôler assez pour survivre. Et pour protéger les autres.
Ren baissa les yeux.
— Tu m'as protégé… alors qu'on ne se connaît même pas.
— Je te connais, Ren Kaido.
Elle se reprit, un peu gênée.
— Enfin… j'ai entendu parler… de toi.
Ren écarquilla les yeux.
— De moi ? Qui parle de moi ? Je suis un type nul dans un coin de classe…
Hana se redressa légèrement, comme si elle venait de dire une bêtise.
— Je t'expliquerai plus tard. Mais pour l'instant, il faut partir. D'autres Spectres peuvent arriver.
Ren se leva tant bien que mal, encore instable.
— Où tu veux aller ?
Elle répondit sans hésiter :
— Chez toi.
Ren faillit s'étouffer.
— Quoi ?! Chez moi ?! On se connaît à peine, tu veux que je t'emmène chez moi ?! C'est… euh… bizarre, non ??!
Hana resta parfaitement sérieuse.
— Ren, tu viens de réveiller l'Astra du Chaos. Tu n'as aucune idée de ce que ça implique. Je dois rester près de toi au cas où tu t'effondrerais ou… que tu perdes le contrôle.
Ren se frotta la nuque, rouge comme une tomate.
— Ah… oui… vu comme ça…
— Et puis, dit-elle en hochant la tête, c'est plus sûr que de rester dehors. Je dois analyser ton aura et vérifier que ton Astra ne s'active pas à nouveau.
Ren soupira.
— J'imagine que j'ai pas le choix.
— Non, confirma Hana. Tu ne l'as pas.
La route du retour
Ils traversèrent le quartier en silence.
Ren marchait légèrement devant, Hana juste derrière.
Le sentiment que quelqu'un les observait persistait, comme une ombre lointaine. Hana ne cessait pas de regarder autour d'elle, prête à réagir.
À un moment, Ren se tourna vers elle.
— Tu… tu fais ça depuis longtemps ? Te battre contre des monstres ?
— Depuis l'âge de huit ans.
Son ton était calme, mais ses yeux s'assombrirent d'une peine discrète.
— J'ai été entraînée pour ça. C'est ma mission.
Ren resta silencieux.
— Et tu fais partie d'une… organisation, ou quelque chose du genre ?
Elle ne répondit pas immédiatement.
— On peut appeler ça comme ça, oui.
— Comment elle s'appelle ?
Hana serra les poings.
— Les Veilleurs Lunaires.
Elle ajouta :
— Leur rôle est de protéger les Astra Originelles… et d'éliminer ceux qui voudraient les voler.
Ren frissonna.
— Quel genre de personne voudrait voler… ça ?
Il désigna sa poitrine.
Hana baissa le regard.
— Quelqu'un qui veut détruire l'équilibre du monde.
Ren déglutit.
— Et moi… je suis au milieu de ça.
— Oui.
Un silence pesant s'installa.
L'appartement de Ren
Ils arrivèrent devant un petit immeuble gris.
Ren monta les marches, un peu honteux.
— C'est pas très grand…
— Ça me va, dit Hana.
L'intérieur était simple : un petit salon, une kitchenette, une chambre trop ordinaire. Ren rangea rapidement des vêtements traînant sur une chaise, paniqué.
— Désolé !! J'étais pas prêt à recevoir quelqu'un, je—
— Ce n'est pas important, Ren.
Hana s'assit calmement au milieu du salon, dos droit.
— Viens t'asseoir.
Il obéit, un peu intimidé.
Hana posa ses mains devant elle, paumes ouvertes.
Une douce lumière argentée apparut.
— Je vais analyser ton aura. Ne bouge pas.
— Ça va faire mal ?
— Non. Mais… ça peut te surprendre.
Ren inspira.
La lumière s'étendit, enveloppant son torse, puis son cœur.
Il sentit une chaleur vague, puis un bouleversement intérieur. Comme si quelque chose se réveillait encore.
— Hana… je crois que ça—
— Chut. Ne parle pas.
Elle ferma les yeux.
Le silence devint lourd.
Puis Hana ouvrit brusquement les yeux.
— C'est pire que je pensais.
Ren sursauta.
— Quoi ?! C'est quoi "pire" ?!
— Ton Astra… elle n'est pas entièrement réveillée. Ce que tu as manifesté tout à l'heure… ce n'était qu'une fraction. Une goutte.
Ren devint livide.
— Une goutte… ? Ce… truc qui a explosé partout ?!
Elle hocha lentement la tête.
— Ren… il y a quelque chose d'étrange dans ton aura. Normalement, les Astra Originelles dorment jusqu'à ce qu'on les libère. Mais chez toi… elle est enchaînée.
— Enchaînée ?
— Oui. Quelqu'un ou quelque chose l'a scellée très fermement.
Elle détourna les yeux.
— Et je crois savoir qui.
Ren sentit un frisson glacé le traverser.
— Hana… qui aurait pu faire ça ?
Elle le regarda droit dans les yeux.
— Ton père.
Ren resta sans voix.
— Mon… père ?! Mais il n'a aucun pouvoir ! Il n'a même jamais parlé de trucs surnaturels !
— Peut-être pas. Mais il avait une raison de te laisser cette Astra… et une raison de la sceller.
Elle se leva.
— Ce que je veux dire, Ren, c'est que ton rôle dans cette histoire n'est pas un accident. Tu étais destiné à l'Astra du Chaos.
Ren secoua la tête.
— Non… non, je veux pas de destinée, de pouvoirs, ni de monstres, ni—
Il s'arrêta net.
Car il sentit à nouveau la présence.
Cette ombre.
Ce souffle glacé dans sa nuque.
— Hana… tu sens ça ?
Elle fit un pas en arrière, ses yeux argentés s'illuminant soudain.
— Oui.
Elle cria :
— Ren ! Recule !
CRACK !
Une fissure noire apparut dans le mur derrière Ren.
Un bras d'ombre sortit, prêt à l'agripper.
Hana bondit.
— LUMINE SCUTUM !
Une barrière de lumière apparut entre Ren et la créature.
Elle encaissa le premier impact… mais se fissura.
Ren recula jusqu'à toucher le mur du coin.
— Encore eux ?! Pourquoi ils viennent jusque chez moi ?!
— Parce que tu es le Chaos, Ren !
Hana cria pour couvrir les hurlements du Spectre.
— Tant qu'il ne sera pas scellé ou entraîné, ils viendront ! Toutes les nuits, toutes les heures !
Ren déglutit.
— Alors je dois faire quoi ?!
La barrière se brisa.
Hana cria :
— Ren ! Réveille ton Astra !
— JE NE SAIS PAS COMMENT !!
Le Spectre bondit.
Ren mit les bras devant son visage, terrifié.
Et encore une fois…
Ça arriva.
L'énergie noire explosa de lui comme une tempête.
La créature fut désintégrée.
Ren s'effondra, haletant, les yeux révulsés.
— Je… j'ai mal… mon cœur… !
Hana se précipita vers lui.
— Calme-toi ! Ren, regarde-moi ! Respire !
Ren essaya.
Mais plus il tentait de reprendre son souffle, plus le Chaos bouillonnait en lui.
— Je sens… je sens quelque chose bouger dans ma poitrine… comme si…
— Comme si quelqu'un voulait sortir ? demanda Hana, anxieuse.
Ren hocha la tête, terrifié.
Hana posa ses deux mains sur les joues de Ren, l'obligeant à la regarder.
— Ren ! Écoute-moi ! Si tu continues, tu vas perdre conscience et ton Astra va tout détruire autour de toi ! Tu dois choisir !
Ren sentit ses larmes monter.
Il n'avait jamais eu aussi peur.
— Choisir quoi ?!
Hana rapprocha son visage du sien.
— Choisir de me faire confiance… ou te laisser dévorer par ton propre pouvoir.
Le Chaos rugissait dans son cœur.
Les murs vibraient.
Le sol tremblait.
Ren serra les dents, puis cria de toutes ses forces :
— JE TE FAIS CONFIANCE, HANA !!!
La lumière argentée jaillit instantanément du corps de Hana.
Elle entoura Ren, calmant l'énergie noire.
Le Chaos recula… lentement… lentement…
Puis s'éteignit.
Ren tomba contre elle, complètement vidé.
Hana le retint comme si il pesait une plume.
— Tu as fait le bon choix, Ren.
Il respira difficilement.
— Hana… je veux apprendre. Je veux… comprendre ce pouvoir. Je veux… survivre.
Elle hocha la tête.
— Alors dès demain…
Elle lui sourit, pour la première fois depuis qu'ils s'étaient rencontrés.
— Je t'entraînerai.
Ren sentit son cœur s'alléger.
Pour la première fois, il n'avait plus aussi peur.
Il avait une alliée.
Peut-être même…
Quelqu'un de plus important encore.