Christ Quantum fixait Hook Lady à travers la vitre épaisse de sa prison de verre.
Ses yeux vibraient d'une lumière pâle, presque spectrale.
— « Tu crois être l'une des leurs… », dit-il d'une voix tranchante. « Mais sache-le, tu n'es rien pour ce monde. »
Hook Lady s'arrêta.
Ses doigts tremblaient sur son masque noir. Pendant une longue seconde, le silence pesa entre eux comme un orage contenu. Puis elle retira lentement son masque. Son souffle se fit court, sa peau humide de sueur. C'était comme arracher une seconde peau, un fardeau trop lourd à porter.
— « Comment tu peux être sûr de ça, Christ ? », murmura-t-elle, la voix cassée, tremblante, presque humaine.
Christ Quantum s'appuya contre le mur de sa cellule, la tête baissée. Une fine poussière de verre vibrait sous la force contenue de son énergie.
— « Parce que j'ai vu leur passé… leur rage… le mal qu'ils ont fait. »
Son regard se fit dur, presque tendre. « Crois-moi, amour. Je ne mens plus. Je te dis la vérité. »
Hook Lady leva les yeux vers lui, brûlants de douleur.
— « Comment te croire, toi qui m'as pris mon enfant… ? »
Les mots la traversèrent comme une lame.
Christ Quantum se redressa brusquement. La colère explosa en lui. Il frappa la vitre d'un coup sec : une onde vibra, fissurant la surface comme une toile d'araignée.
— « Non ! », hurla-t-il, sa voix résonnant contre les murs du laboratoire. « J'ai fait ce que je pouvais pour nous sauver ! Tu ne comprends pas ? J'ai vu ce qu'Astrale allait devenir… Je t'ai vue mourir pour le protéger ! »
Il s'interrompit, les veines saillantes, le souffle court.
— « Tu es si stupide que… »
Mais la fin de sa phrase mourut dans sa gorge.
Hook Lady le fixait. Aucune larme ne coulait, mais tout son visage hurlait la douleur d'une mère.
Christ baissa les yeux, honteux.
— « Ce monde… », dit-il plus bas, « ce monde a la solution. Elle n'est pas encore née, mais quelqu'un, quelque part, peut nous donner ce qu'on veut. Mais ne choisis pas ce monde au détriment du nôtre. Ce monde est un enfer… »
Hook Lady s'approcha. Sa main gantée toucha la vitre.
— « Montre-moi. », dit-elle d'une voix glaciale.
Le temps sembla se figer.
Christ Quantum hésita, puis leva lentement la main, la posa contre la sienne.
— « Alors regarde… regarde ce monde que tu veux protéger. »
Une lumière blanche jaillit entre leurs paumes.
Des arcs électriques serpentèrent sur la vitre, l'énergie se propageant dans le sol comme des racines brûlantes. Hook Lady ferma les yeux, et l'image se forma dans son esprit.
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03 août 1953 — L'aube du sang
Le monde se mit à trembler.
Des cris, des sirènes, puis… le silence.
Un silence qui annonçait la fin d'une époque.
Des éclairs pourpres fendaient le ciel. Dans les rues, des hommes hurlaient en se tordant de douleur, leurs veines se gonflant, leurs yeux devenant blancs. Certains lévitaient, d'autres faisaient fondre l'asphalte sous leurs pieds.
Le monde entier semblait muter, se fissurer, imploser sur lui-même.
En quelques jours, les villes se changèrent en charniers.
On vit des soldats s'entre-tuer, des familles se consumer dans leurs maisons, des enfants brûler sous la chaleur des explosions psychiques. Le sang se mêlait à la pluie. L'odeur du fer et de la cendre remplaça celle de la vie.
Puis, au milieu de ce chaos, un nom surgit : Les Hyperno.
Ils étaient sept au début.
Sept survivants guidés par un homme dont le nom glaçait le sang : Mohse.
Ancien soldat, immense, torse couvert de cicatrices, Mohse maniait la peur comme d'autres manient l'acier. Ses poings brisaient les crânes, ses mots soumettaient les foules.
Il avait vu le monde sombrer, et il avait décidé de le reconstruire — à sa manière.
Sous son commandement, les Hyperno instaurèrent une paix de fer.
Les rues furent nettoyées du crime, oui… mais au prix de la vie.
Les pendaisons se faisaient sur les places publiques. Les corps des "rebelles" servaient d'exemple. Leurs cris se mêlaient aux cloches des églises.
Leurs symboles rouges, peints au sang sur les murs, marquaient chaque quartier purgé.
Dans les écoles, on apprenait aux enfants à obéir avant de penser.
Dans les hôpitaux, on achevait les blessés jugés inutiles.
Le ciel lui-même semblait saigner au-dessus des villes réduites en poussière.
Mais une rumeur circulait : quelque part, dans l'ombre, la Résistance se formait.
Le 03 septembre, la première frappe eut lieu.
Une garnison entière d'Hyperno fut décimée dans un fracas de feu et de sang.
Les survivants racontèrent avoir vu le sol s'ouvrir, avaler leurs camarades, les murs éclater sous des vagues d'énergie rouge. Des centaines de corps calcinés gisaient dans les ruelles. L'air empestait la chair brûlée.
Ce fut le début d'une guerre sans nom.
Les champs de bataille se transformèrent en rivières de sang.
Des hommes fondaient sous la chaleur des explosions, d'autres hurlaient, empalés sur des débris de métal fondu. Les enfants, les vieillards, les bêtes — rien n'était épargné.
Chaque nuit, les flammes avalaient un peu plus le monde.
Mohse, le monstre, combattait en première ligne.
Ses coups faisaient trembler la terre. On disait qu'il pouvait réduire un tank en poussière d'un simple revers de bras. Autour de lui, des montagnes de cadavres s'élevaient comme des monuments à sa fureur.
Mais la peur, un jour, se fissure toujours.
Les Hyperno furent trahis, encerclés, anéantis.
Le dernier combat dura trois jours et trois nuits.
Quand tout s'arrêta, les plaines n'étaient plus que boue et sang. Mohse gisait là, le regard vide, la bouche ouverte sur un cri qu'il n'avait jamais fini.
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Retour au présent
La lumière cessa. Hook Lady tomba à genoux.
Le souffle court, les yeux grands ouverts, elle tremblait.
— « Tu comprends, maintenant ? », murmura Christ Quantum derrière la vitre fissurée.
Elle resta muette.
Des larmes, enfin, roulèrent sur ses joues.
Au même moment, dans le couloir du laboratoire, le docteur Bernard descendait les marches menant aux prisons.
L'air y était froid, saturé d'une odeur d'électricité brûlée.
— « Luc ? Les sujets sont encore en bas ? »
— « Non, ils sont sortis, je crois… » répondit une voix lointaine.
Bernard fronça les sourcils.
La porte des cellules était grande ouverte. Des étincelles dansaient dans l'air.
Il fit deux pas, et soudain — une silhouette surgit de la pénombre.
Hook Lady.
Son masque pendait à sa main, ses yeux rouges comme la braise.
Elle passa près de lui, silencieuse, le visage baigné de larmes et de sang séché.
Bernard sentit son cœur se figer. Derrière elle, dans la cellule, la vitre de confinement était fendue, et au milieu… une trace de main, marquée au sang, encore fumante.
