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Chapter 8 - Christ quantum...

La pluie tombait doucement sur les rues de City Prime, dessinant des reflets argentés sur le capot de la voiture de Lola Xiaomi.

Elle n'avait pas mis les pieds dans ce quartier depuis longtemps. Les tours ici semblaient plus vieilles, plus fatiguées. Comme si même le temps avait cessé de passer.

Elle arrêta la voiture devant une maison moderne, un peu à l'écart, où les vitres reflétaient la lumière des néons lointains.

C'était là.

Chez Paul.

Deux ans.

Deux ans sans un mot, sans un message, sans même un signe.

La dernière fois qu'elle l'avait vu, c'était à la cérémonie des robots Better Life — leur rêve commun, celui qu'ils avaient construit ensemble avec Nolan et Elisabeth.

Mais depuis ce soir-là, Paul avait disparu.

Et Lola, malgré ses succès, malgré la richesse et les sourires de façade, gardait un vide dans la poitrine.

Elle sortit de la voiture, referma la portière et leva les yeux vers la façade silencieuse.

L'air sentait la pluie, la poussière, et un peu la solitude.

Elle inspira profondément avant de frapper à la porte.

— Paul ? C'est moi… Lola.

Un instant de silence.

Puis un bruit de pas lents, presque hésitants.

La porte s'ouvrit doucement.

Paul Who apparut.

Ses cheveux étaient plus longs, ses yeux fatigués, mais il avait ce même sourire tranquille. Celui qu'il affichait toujours quand il voulait cacher quelque chose.

— Eh bien, si ce n'est pas la grande Lola Xiaomi… dit-il d'une voix un peu rauque.

Elle le regarda, un mélange de soulagement et de colère dans les yeux.

— Deux ans, Paul. Deux ans sans un mot. Tu voulais que je t'oublie ?

Il eut un petit rire.

— Non… juste que tu m'en veuilles un peu moins quand tu reviendrais.

Elle ne sut pas si elle devait le gifler ou le prendre dans ses bras. Finalement, elle choisit le deuxième.

Il resta immobile quelques secondes avant de lui rendre son étreinte.

— Tu as maigri, dit-elle.

— Toi, tu dis toujours ça quand tu ne sais pas quoi dire, répondit-il en souriant.

Ils entrèrent.

La maison sentait le café froid et les vieux livres. Des plans de robots et de circuits électroniques traînaient un peu partout sur la table basse.

Rien n'avait vraiment changé.

Lola s'assit sur le canapé pendant que Paul apportait deux tasses.

— Toujours noir sans sucre ? demanda-t-il.

— Toujours. Tu t'en souviens encore.

— J'oublie tout, sauf les détails inutiles.

Elle le regarda poser la tasse, remarquant que ses mains tremblaient légèrement.

— Tu vas bien ?

— Bien sûr, pourquoi ?

— Parce que tu mens mal.

Il haussa les épaules, esquissant un demi-sourire.

— J'ai juste besoin de repos, c'est tout.

Elle baissa les yeux sur les papiers éparpillés.

— Tu travailles encore sur des projets ?

— De petits trucs. Des idées qui ne mèneront probablement à rien.

Lola sourit doucement.

— Ça, c'est bien toi.

Un silence s'installa, pas lourd, juste… réel. Le genre de silence qui existe entre deux personnes qui se connaissent trop bien pour avoir besoin de parler.

Paul s'appuya dans le fauteuil, regardant la pluie couler le long de la vitre.

— Tu sais, dit-il, parfois j'ai l'impression que tout est allé trop vite. On a voulu changer le monde, mais on a juste oublié de vivre un peu.

— Tu parles comme un vieux philosophe.

— Peut-être que je le deviens.

Elle sourit, amusée.

— Non, toi tu deviens juste… lent.

— Et toi, tu es toujours aussi moqueuse.

Ils rirent ensemble. C'était léger, presque comme avant.

Puis le rire de Lola se perdit un peu. Elle le fixa avec douceur.

— Tu sais, Paul, je ne voulais pas te juger. J'étais juste inquiète.

— Je sais.

— Alors pourquoi t'être isolé comme ça ?

— Parce que j'avais besoin de silence. Et que je savais que si quelqu'un me trouvait, ce serait toi.

Elle soupira, mi-fâchée, mi-touchée.

— Tu es toujours aussi têtu.

— Et toi toujours aussi persévérante. On fait une belle équipe de tordus, non ?

Leurs regards se croisèrent.

Il y avait dans les yeux de Paul quelque chose de doux, mais aussi une ombre. Une fatigue profonde, que Lola sentait sans oser la nommer.

Elle posa sa main sur la sienne.

— Promets-moi une chose.

— Laquelle ?

— Que tu ne disparaîtras plus comme ça.

Il la regarda longuement, puis hocha la tête.

— D'accord. Promis.

Mais dans sa voix, il y avait cette nuance que seuls les vrais amis entendent.

Le genre de promesse qu'on fait pour apaiser, pas pour tenir.

Lola le savait. Elle ne dit rien.

Elle se leva, jeta un regard vers la fenêtre.

La pluie s'était arrêtée, laissant place à un ciel orangé.

— Tu veux que je repasse demain ?

— Si tu veux, oui. J'aurai peut-être préparé quelque chose d'un peu plus décent à boire.

Elle sourit, puis se dirigea vers la porte.

Avant de sortir, elle se retourna une dernière fois.

Paul était toujours assis, le regard perdu dans le vide, un sourire discret aux lèvres.

— À demain, Paul.

— À demain, Lola.

La porte se referma doucement.

Et dans le silence de la pièce, Paul se pencha, prit discrètement une boîte de médicaments posée sous la table, l'ouvrit et avala deux comprimés.

Puis il resta là, seul, écoutant les derniers échos de la pluie contre les vitres.

Pendant ce temps de l'autre côté de la ville.

Ozef était arrivé dans le laboratoire du gouvernement la où Hook lady et deux autres héro l'attendaient.

Les portes du laboratoire s'ouvrirent dans un souffle d'air comprimé.

Une odeur métallique, mêlée à celle du formol et de la chair brûlée, se répandait dans la pièce.

Sous les lumières froides, des silhouettes en blouse blanche s'affairaient autour de tables d'acier.

Des morceaux de corps gisaient dans des cuves remplies d'un liquide bleu, pulsant doucement sous la lumière.

Au centre, Ozef observait.

Son regard allait d'un spécimen à l'autre, sans expression.

À ses côtés, Synthol, grand et rigide, dictait des rapports aux chercheurs, tandis que Elioplex notait silencieusement sur sa tablette les données énergétiques des créatures.

— Ces choses… ne sont pas juste des bêtes, dit Elioplex, la voix tendue.

Regardez leurs tissus : structure humaine, mais avec des mutations régénératrices qu'aucun code génétique ne peut expliquer.

Synthol, croisant les bras, répondit d'un ton grave :

— On dirait qu'ils s'adaptent. Comme si chaque créature pouvait évoluer en fonction de ce qu'elle dévore.

Un chercheur s'approcha timidement, tenant une coupe contenant un organe noirâtre.

— Celui-ci contenait des fragments d'ADN héroïque. Mais... ce n'est pas digéré.

— Pas digéré ?

— Non. Comme si le corps le stockait. Un réservoir… pour quelqu'un d'autre.

Un silence lourd s'abattit sur la salle.

Ozef fixa la coupe avec une froide intensité.

— Vous voulez dire que ces créatures gardent les héros qu'elles mangent… pour les transférer à d'autres ?

Le chercheur hocha la tête, mal à l'aise.

— Oui, monsieur. On dirait une sorte de chaîne alimentaire organisée.

Hook Lady, appuyée contre la cloison vitrée, détourna le regard.

Ses yeux, d'un vert presque luminescent, fixaient un point invisible.

— Elles ne viennent pas de ce monde, dit-elle doucement.

— Tu en es sûre ? demanda Ozef.

— Aussi sûre que je le suis moi-même.

Un léger frisson parcourut le dos d'Elioplex.

Tout le monde savait que Hook Lady n'était pas d'ici.

Son arrivée sur Terre, huit ans plus tôt, avait marqué un tournant : une héroïne venue "d'ailleurs", dotée d'une technologie et d'un corps qui défiaient toute logique humaine.

Ozef prit une inspiration lente, puis tourna les talons.

— Bien. On a assez de données.

Il s'avança vers la dernière porte du laboratoire, celle qu'on n'ouvrait qu'en cas de nécessité absolue.

Une cage de verre blindé se tenait au centre d'une pièce circulaire.

À l'intérieur, un homme, pieds nus, vêtu d'un simple pantalon de lin. Ses cheveux clairs retombaient sur son visage, et ses yeux, d'un gris presque translucide, semblaient refléter tout ce qu'ils voyaient.

Christ Quantum.

Il ne bougeait pas.

Mais dès qu'Ozef entra, son regard se leva, comme s'il l'attendait.

— Vous avez mis du temps, dit-il avec un calme dérangeant.

— J'ai eu à faire, répondit Ozef.

Hook Lady resta à l'arrière, les bras croisés.

Elle n'aimait pas être ici. Personne ne l'aimait.

La salle vibrait d'une énergie étrange, comme si le temps lui-même hésitait à circuler autour de cet homme.

— Vous savez pourquoi je suis venu, dit Ozef.

— Tu veux savoir comment arrêter leurs créatures.

Ozef ne broncha pas.

— Si vous savez tout, alors vous savez aussi ce qu'elles sont.

Quantum ferma les yeux un instant.

— Ce ne sont pas des monstres. Ce sont les ombres des hommes que vous n'avez pas sauvés.

Elioplex haussa la voix depuis la console :

— Arrêtez avec vos symboles. On veut des faits.

— Des faits ? Très bien. Vous les trouverez tous dans vos propres archives. Les créatures sont fabriquées. Des corps humains modifiés par un catalyseur qui réécrit l'ADN à chaque génération. Mais ce catalyseur… ne vient pas d'ici.

Ozef jeta un bref regard à Hook Lady, qui baissa les yeux.

— Alors vous savez d'où il vient ?

Quantum esquissa un sourire.

— Je sais d'où elle vient. Et donc, d'où ils viennent aussi.

Hook Lady fit un pas en avant, la mâchoire serrée.

— Faites attention à ce que vous insinuez.

— Ce n'est pas une insulte, dit Quantum doucement. Tu n'es pas la cause, seulement la preuve.

Il posa sa main sur la vitre.

— Vous cherchez à les détruire, mais vous oubliez que tout ce qui évolue trouve toujours une issue. Ces créatures s'adaptent à tout : feu, métal, lumière, froid… tout sauf au temps.

Ozef fronça les sourcils.

— Expliquez.

Quantum inspira profondément.

— Elles peuvent absorber la force, l'énergie, la matière. Mais elles ne peuvent pas absorber ce qui a déjà eu lieu. Le temps ne se digère pas.

Hook Lady comprit avant les autres.

— Vous voulez dire… qu'il faut inverser leur croissance dans le temps ?

— Exactement. Renvoyer leur évolution à son point d'origine. Les forcer à redevenir ce qu'elles étaient avant qu'on les altère.

Synthol murmura :

— Impossible sans une technologie de distorsion temporelle.

— Rien n'est impossible, répondit Quantum. Vous avez juste peur de réussir.

Ozef s'approcha du verre.

— Si vous savez tout, pourquoi ne pas le faire vous-même ?

Quantum le regarda droit dans les yeux.

— Parce que je l'ai déjà fait. Des centaines de fois. Et chaque fois, tout recommence.

— Qu'est-ce que vous voulez dire ?

— Vous n'êtes pas les premiers à vivre ce jour, Ozef. Vous n'êtes même pas le premier à me poser cette question.

La pièce sembla soudain se refroidir.

Elioplex recula, la gorge sèche.

Hook Lady se figea, les yeux écarquillés.

Quantum continua calmement :

— Je suis coincé dans votre boucle. Je vous ai tous vus mourir, renaître, refaire les mêmes erreurs. Les créatures, vos héros, vos guerres… tout cela s'est déjà produit.

— Et cette fois ? demanda Ozef, d'une voix basse.

— Cette fois, dit Quantum, tu as encore une chance. Mais tu n'aimes pas écouter.

Il s'assit, refermant les yeux.

— Pour arrêter les créatures, il faut que vous changiez. Pas elles.

Ozef resta immobile.

Puis il se détourna.

— Surveillez-le. Personne ne lui adresse la parole sans mon ordre.

Alors qu'il quittait la pièce, Quantum rouvrit les yeux et murmura, presque pour lui-même :

— Tu m'as déjà dit ça… la dernière fois.

A suivre...

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