Le soleil se leva sur une ville en cendres.
Les flammes de la veille fumaient encore, et les rues de City Prime portaient la trace de la bataille.
Dans l'air flottait une odeur de métal brûlé et de poussière.
Beaucoup de héros n'étaient pas revenus.
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Salle de réunion du QG gouvernemental
Les Héros Dorés s'étaient réunis dans une vaste salle circulaire, protégée par des vitres blindées.
L'atmosphère y était lourde.
Des écrans holographiques affichaient les visages des disparus, les relevés d'énergie, les cartes des zones sinistrées.
Ozef entra.
Toujours vêtu de son costume noir impeccable, l'ancien soldat avançait d'un pas ferme, le regard froid.
Chaque mot qu'il prononçait semblait peser une tonne.
— « Le carnage de Lofeso a duré une nuit entière. C'en est assez. Cette fois, nous allons le tuer. »
Un silence suivit.
Les héros échangeaient des regards graves. Seule Therra osa parler, la voix tremblante mais déterminée :
— « J'ai un plan. »
Ozef la fixa, impassible.
— « Je t'écoute. »
Therra inspira.
— « Il faut que Prime soit de la partie. »
Un froncement de sourcils. Un murmure traversa la salle.
Ozef éclata d'un rire bref, sec, presque nerveux.
— « Tu veux parler de ce fou qui met sa vie en danger à chaque instant ? Hors de question. »
Therra ne baissa pas les yeux.
— « Au fond, nous le faisons tous, non ? Nous risquons nos vies chaque jour. Nous sommes tous des fous, monsieur. »
— « Je ne veux pas d'un inconnu dans mes rangs. »
Elle répliqua calmement : — « Et pourtant, vous avez bien accepté Hook Lady, sans même savoir qui elle était. »
Ozef serra les poings. — « C'est différent. Tu ne comprends pas sur quel terrain on se bat. »
Elioplex, jusque-là silencieux, baissa légèrement la tête. Synthol, un héros massif au visage impassible, s'avança d'un pas.
— « Ce héros… ne devrait pas rejoindre nos rangs. Mais s'il détient des informations utiles, s'il a su vaincre les créatures de Lofeso là où d'autres ont échoué… alors oui, il mérite d'être entendu. »
Ozef se détourna, pensif.
Le silence reprit, seulement troublé par les vibrations des écrans holographiques.
Therra ajouta doucement : — « Si on réussit à arrêter Lofeso, nous deviendrons des icônes. Mais refuser l'aide de Prime, c'est risquer de tout perdre. »
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Chez Nolan – Le retour
La lumière blanche de la salle de bain éclairait un visage épuisé.
Nolan entra sous la douche, laissant l'eau chaude couler sur sa peau meurtrie.
Ses muscles étaient couverts d'ecchymoses, ses articulations brûlantes, son souffle coupé.
Soudain, la douleur frappa.
Une vague violente, insoutenable.
Ses jambes cédèrent, et il s'effondra sur le carrelage glacé.
L'eau se mêlait à ses larmes.
Chaque battement de son cœur semblait un coup de masse dans sa poitrine.
Sa main tremblante agrippa le mur, ses ongles griffant le carrelage.
Il voulait crier, mais aucun son ne sortait. Seuls des gémissements étranglés s'échappaient de sa gorge.
Son corps convulsait.
Il avait l'impression que ses veines brûlaient de l'intérieur, que chaque fibre de son être se déchirait.
De l'autre côté de la porte, Jecica entendait tout.
Elle lâcha son livre, se précipita vers la salle de bain.
Elle frappa à la porte, paniquée.
— « Nolan ! Qu'est-ce que tu as ? Ouvre-moi ! »
Aucune réponse.
Seuls les bruits de convulsions et d'eau qui ruisselait.
À travers la douleur, Nolan revoyait des images.
Des fragments de son enfance.
La voix de Melle, sa mère, lui murmurant « un jour, ça ira mieux… ».
Puis les cris, la colère du père, les soirs où elle ne rentrait pas.
Les souvenirs se mêlaient au présent, indistincts, violents.
Il voulait se relever. Il ne pouvait pas.
Sa respiration se fit saccadée.
Ses yeux rougis se levèrent vers le plafond.
Jecica, derrière la porte, pleurait silencieusement.
— « Pourquoi tu t'imposes ça, Nolan… Pourquoi ? »
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Au salon
Morice attendait, assis sur le canapé, les mains jointes.
Il regardait les murs immaculés, les écrans de surveillance, les verrous électroniques.
— « Eh… madame Park ? Je peux partir ? » demanda-t-il timidement.
Pas de réponse.
Quelques minutes plus tard, Jecica revint, le visage trempé, essayant de se ressaisir.
Elle força un sourire et l'invita à s'asseoir dans le grand salon vitré.
— « Merci de ne pas être parti. On doit revoir notre dossier depuis le début. »
Morice la suivit, encore nerveux.
Son regard glissa sur les multiples caméras installées dans la pièce.
— « Pourquoi tout ce système de sécurité ? Vous vous sentez menacée ? »
Jecica se posa contre le bureau, croisant les bras.
— « Disons que les pouvoirs ne sont pas tombés entre de bonnes mains. Certains fous, tueurs, violeurs… ont reçu des dons. Alors, oui, je me protège. »
— « Je comprends… Et la loi ? » demanda Morice.
— « La loi interdit aux personnes dotées de pouvoirs d'occuper des postes décisionnels. C'est pour ça que j'ai renoncé aux miens. »
Elle posa un dossier sur la table, ses doigts tremblants sur la couverture.
— « Votre mandat d'utilisation de vos pouvoirs a expiré depuis un an. Selon nos données, vous n'avez plus jamais utilisé vos dons. Mais vous n'avez pas déclaré votre statut B+. »
Morice fronça les sourcils, perdu.
— « Le statut B+ ? »
— « C'est quand vous gardez vos pouvoirs mais sans les utiliser, sauf en cas d'urgence. Comme l'attaque de l'hôpital, par exemple. »
Elle lui tendit une liasse de documents.
— « Il faut votre signature ici. »
Un bruit violent les interrompit.
Un fracas étouffé, venant de la douche.
Jecica pâlit.
Elle se leva d'un bond.
— « Excusez-moi… »
Elle courut vers la salle de bain, frappa à nouveau.
— « Nolan, ouvre ! Je t'en supplie ! »
De l'autre côté, Nolan s'était redressé, tremblant, les mains plaquées contre le sol humide.
Ses yeux étaient injectés de sang.
Il tenait encore debout, mais ses lèvres remuaient sans qu'aucun mot n'en sorte.
Sa vision se brouilla.
Des voix dans sa tête. Celles de ses frères, de sa mère, de son passé.
Elles se mélangeaient, tournoyaient.
Jecica, à bout, posa sa tête contre la porte. Des larmes silencieuses glissaient sur son visage.
Elle murmura, la voix brisée :
— « Pourquoi tu veux toujours porter la douleur du monde, Nolan ? Pourquoi toi ? »
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Le dîner
Plus tard, la tension explosa.
Assis à table, Nolan et Jecica se faisaient face.
Le silence était une tempête contenue.
— « Tu crois que je ne t'ai pas vu rentrer cette nuit ? Avec ton costume déchiré, couvert de sang ? » lança-t-elle, les yeux pleins de larmes.
Nolan se raidit.
— « Je… »
— « Arrête ! Tu es Prime, pas vrai ?! Tu crois que je suis aveugle ?! »
Il serra les poings.
— « Oui, c'est moi. »
Le silence s'effondra d'un coup.
Jecica éclata :
— « Tu te mets en danger, Nolan ! Tu mets ta vie, la nôtre, celle de notre famille en jeu ! »
— « Et qu'est-ce que tu veux que je fasse ?! Que je reste là, à regarder le monde brûler ? Je ne peux pas sauver des gens en étant juste Nolan. »
— « Tu n'es pas obligé de mourir pour ça ! »
— « Mais c'est ce que je suis ! C'est la seule chose qui ait un sens pour moi ! » hurla-t-il.
— « Tu m'aimais pour ça, Jecica. Pour ce que je suis. Pour mon dévouement. »
Elle recula, blessée.
Nolan poursuivit, la voix tremblante :
— « La pilule zéro ne protège que les riches, ceux qui peuvent se la payer. Et les autres ? Ceux qu'on oublie ? Je me bats pour eux. »
Jecica détourna le regard, incapable de répondre.
Dehors, la pluie commençait à tomber contre les vitres.
Mais dans le ciel, un drone flottait silencieusement.
Sa lentille rouge enregistrait tout.
Les images de leur dispute furent projetées quelques minutes plus tard sur un immense mur d'écrans.
Dans une salle sombre, des dizaines de moniteurs diffusaient les visages de héros dans leur intimité.
Devant eux, Ozef observait en silence.
À ses côtés, Elioplex tenait la manette du drone.
— « Dans combien de temps la mise à jour sera prête ? » demanda Ozef d'une voix glaciale.
— « Trois jours, monsieur », répondit Elioplex.
Ozef esquissa un sourire imperceptible.
— « Parfait. Dans trois jours… le monde saura enfin qui sont vraiment ses héros. »
