Une des créatures poussa un cri guttural, la rage vibrant dans sa gorge déchirée :
— « Prime ! »
Le nom résonna comme un grondement venu d'un autre monde.
Puis, sans prévenir, la bête fit demi-tour, ses griffes raclant le béton mouillé, et s'enfuit dans la nuit. Les autres suivirent, un à un, jusqu'à disparaître dans l'obscurité des ruelles.
Le silence s'abattit alors, lourd, pesant. Seul le bruit des gouttes d'eau tombant des toits brisait l'instant.
Les héros, couverts de sang et d'éclats de chair, restaient figés. Aucun ne songeait à poursuivre les créatures. Tous leurs regards convergeaient vers Prime, cet inconnu ensanglanté qui se tenait debout au milieu des cadavres, un poignard à la main, le souffle calme.
La pluie s'était arrêtée.
La lumière des lampadaires vacillait, projetant sur lui une ombre d'homme… ou de monstre.
Prime leva la tête vers l'immeuble éventré où Lofeso se battait encore. Ses pas lourds résonnaient sur le sol trempé, chaque mouvement dessinant une trace rouge derrière lui.
— « Qui… qui êtes-vous !? » cria l'un des héros, la voix tremblante, brisée entre peur et respect.
Prime s'arrêta. Il resta un moment silencieux, la tête légèrement inclinée, comme s'il hésitait à répondre. Puis, d'une voix grave et posée, il murmura :
— « Je suis Prime. »
Ses mots claquèrent dans l'air froid.
Une énergie invisible sembla vibrer autour de lui, mélange d'humanité et de quelque chose d'autre… quelque chose de sauvage, d'incontrôlé.
Les héros reculèrent d'un pas, incapables de détourner le regard.
Devant eux, ce n'était plus un simple justicier masqué. C'était le début d'une légende — celle d'un homme sans pouvoirs, debout au milieu des dieux et des monstres.
Sous la lumière blafarde de la nuit, Prime reprit sa marche vers les ruines.
L'immeuble craquait encore sous les coups titanesques de Lofeso et Therra, leurs silhouettes s'entrechoquant comme des éclairs vivants.
Et au loin, un grondement de tonnerre annonçait la suite.
Le grondement des flammes et la poussière des ruines emplissaient l'air.
Prime courait à perdre haleine, le souffle court, les oreilles encore bourdonnantes de l'explosion.
Un bruit de fracas, un sifflement... puis une silhouette fendit les nuages de fumée.
Therra.
Le corps de la jeune héroïne fut projeté à une vitesse inhumaine, traversant les débris comme une comète.
Elle percuta le sol dans un choc sourd, si violent qu'un cratère se forma sous son dos, éclatant le béton en mille morceaux.
Un silence glacé suivit, avant que le vent chargé de cendres ne reprenne sa course.
Lofeso observait au loin. Sa silhouette se découpait dans la lumière des flammes, impassible, monstrueuse.
Ses yeux reptiliens se rétrécirent. Il cracha entre ses dents :
— « Tu ne mérites même pas d'être un héros. »
Plus bas, Ion gisait dans un amas de gravats. Son souffle rauque portait la douleur d'un homme brisé.
Du sang coulait lentement de sa bouche, s'écrasant en petites gouttes rouges sur la poussière grise.
Mais malgré la douleur, il se redressa, titubant. Son regard brûlait d'une rage qui surpassait la peur.
Il inspira profondément, hurla du fond de ses entrailles et chargea.
Son poing s'illumina d'une énergie brute, bleutée, vibrante comme un orage prêt à éclater.
Lofeso sourit. Ce n'était pas un sourire humain, mais celui d'un prédateur qui savoure l'instant avant la mise à mort.
Il s'élança à son tour.
L'impact des deux poings résonna comme une explosion.
Le toit de l'immeuble se fendit en deux, la structure se brisant sous la force titanesque du choc.
Un souffle dévastateur balaya les alentours : les vitres éclatèrent, les murs se fissurèrent, la poussière engloutit tout.
Therra, inconsciente, gisait plus bas. Son dos brisé l'empêchait de bouger.
Ses respirations étaient irrégulières, faibles, presque imperceptibles.
Nolan — Prime — entendait tout. Son cœur battait plus vite à chaque inspiration laborieuse de Therra.
Il serra les poings, partagé entre la colère et la peur.
— « Je ne peux pas la laisser mourir… je ne vais pas la laisser mourir », murmura-t-il entre ses dents.
Il retourna vers elle, posa sa main tremblante sur la plaie béante de sa coéquipière, puis sortit une pilule zéro classique.
Le petit comprimé scintillait d'un bleu pur.
Avant qu'il n'ait le temps de l'administrer, un grondement métallique fit vibrer l'air :
les Héros Dorés venaient d'arriver.
Ils apparurent dans un tourbillon de lumière et de vent :
Dark-Evil, enveloppé d'une ombre mouvante,
Z-Master, dont la peau étincelait comme du diamant brut,
Ange, auréolé d'une lumière dorée,
First Woman, silhouette de feu et de volonté,
et Iron Thunder, marchant au milieu des arcs électriques qu'il générait.
Un rassemblement de légendes vivantes.
Z-Master s'avança sans hésiter. Son pas lourd fissurait les dalles sous ses pieds.
Chaque muscle de son corps, poli comme une statue de cristal, vibrait d'énergie contenue.
On disait qu'il n'avait jamais perdu une bataille. Et ce jour-là, il n'avait pas l'intention de commencer.
Pendant ce temps, Viperion rejoignit Prime.
Ses yeux brillaient d'un vert phosphorescent. Sans dire un mot, elle posa sa main sur le torse de Therra.
Une lumière douce se diffusa, refermant instantanément les plaies de l'héroïne.
La peau se reconstitua comme si le temps remontait à l'envers.
Prime resta muet, fasciné. Il n'avait jamais vu une telle maîtrise du pouvoir de guérison.
Therra ouvrit les yeux, haletante, et agrippa le bras de Prime.
— « Attends… n'y va pas. Les Héros Dorés vont s'en occuper. Si tu y vas, tu mourras. »
Nolan se tourna vers elle, son regard plongé dans le sien.
Ses yeux reflétaient la flamme de quelqu'un qui a déjà accepté la mort.
— « C'est vrai… mais n'est-ce pas ça, être un héros ? »
Un battement d'ailes fit voler la poussière autour d'eux.
Ange descendit lentement du ciel, planant devant Prime avec arrogance.
— « Qui es-tu, toi ? Je ne te connais pas », lança-t-il d'un ton méprisant.
Nolan resta silencieux, son regard ancré dans celui du héros doré.
— « Je t'ai posé une question », insista Ange, d'une voix plus dure.
— « Je suis Prime », répondit simplement Nolan.
Un tremblement secoua l'immeuble.
Tous levèrent les yeux : Lofeso sortait des flammes.
De gigantesques ailes de dragon jaillirent de son dos, couvertes d'écailles rouges incandescentes.
D'un battement, il s'envola, brisant les tours autour de lui.
Chaque battement de ses ailes soulevait un ouragan de cendres.
Des immeubles entiers s'effondraient sous sa trajectoire.
Les Héros Dorés n'attendirent pas d'ordre.
Ils s'élancèrent à sa poursuite dans le ciel embrasé de City Prime, leurs silhouettes dorées se découpant dans la nuit rougeoyante.
Mais Prime ne bougea pas. Il observait, silencieux.
Viperion s'approcha, son visage empreint de douceur.
— « Tu veux que je te guérisse ? » demanda-t-elle doucement.
— « Oui… » murmura-t-il, à bout de souffle.
Elle posa ses mains sur sa poitrine, et la lumière verte reprit.
Les plaies se refermèrent, la douleur recula, mais son regard resta vide.
Viperion fronça les sourcils.
— « Tu portes trop de blessures en toi, Prime. Je peux soigner ton corps… mais pas celles qui te détruisent à l'intérieur. »
Nolan détourna le regard.
Comment pouvait-elle savoir ?
Derrière eux, au loin, cinq créatures de Lofeso avaient survécu et s'étaient égarées dans les ruelles.
Un homme les observait, caché sous un voile d'invisibilité. Elioplex.
Il désactiva son camouflage, les mains levées.
— « Je ne veux pas vous tuer… je veux vous sauver. »
Mais les monstres n'avaient plus rien d'humain.
Leurs cris résonnèrent dans la nuit.