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Chapter 5 - le dieu des monstres...

La pluie battait la ruelle comme une symphonie de verre brisé.

Les gouttes tombaient sur les flaques, éclatant sous les néons tremblotants.

La créature bondit, ses griffes raclant le béton dans un crissement métallique.

Nolan — désormais Prime — recula d'un pas, le souffle coupé.

L'eau ruisselait sur son costume blanc, collé à sa peau.

Il serra son bâton, fit glisser son pouce sur le commutateur.

Un faisceau de lumière jaillit, tranchant la brume comme une lame.

— « Viens mourir ! » hurla-t-il, la voix déformée par la rage.

Il fonça.

Le bâton tournoya, dessinant des arcs de lumière.

Le métal heurta les griffes de la bête dans une pluie d'étincelles.

Mais elle était trop rapide.

Son bras monstrueux balaya l'air —

CRAC !

Prime fut projeté contre un mur, la pierre éclatant sous l'impact.

Les briques volèrent, l'eau s'écrasa sur son visage.

Son souffle se fit rauque, saccadé.

Chaque respiration lui déchirait la poitrine.

Devant lui, la bête s'avançait lentement.

Son souffle empestait la charogne et le sang caillé.

Des filets de bave noire pendaient entre ses crocs.

Ses yeux rouges brillaient d'une faim animale.

Elle saisit Prime par le crâne, serrant si fort que ses tempes craquèrent.

La gueule s'ouvrit.

Une haleine brûlante lui balaya le visage.

Mais Prime eut un sursaut.

Il arracha le poignard attaché à sa cuisse et le planta d'un geste sec dans la gorge de la bête.

Le cri qui suivit fut inhumain.

Un rugissement qui fit vibrer les vitres à des mètres à la ronde.

Le sang gicla en jet brûlant, maculant le visage de Prime d'une marée rouge.

Il frappa encore.

Et encore.

Et encore.

Chaque coup enfonçait la lame un peu plus dans la chair.

La bête se débattait, mais Prime n'arrêtait plus —

comme si toute la colère du monde coulait dans son bras.

Un dernier coup.

Un dernier cri.

Puis le silence.

La créature s'effondra, le sol tremblant sous son poids.

Prime tomba à genoux, haletant, le visage déformé par la rage et la douleur.

Mais la bête, dans un ultime réflexe, frappa d'un revers désespéré.

Son bras massif envoya Prime voler à travers la ruelle.

Il s'écrasa contre un conteneur, soulevant une vague d'eau et de poussière.

Le souffle court, il se releva lentement.

Son corps tremblait.

Ses muscles brûlaient.

— « Je ne tomberai pas… » murmura-t-il.

Il ramassa un morceau de fer tordu à moitié noyé dans la boue.

Ses doigts se crispèrent dessus.

Il bondit.

La bête, haletante, tentait d'arracher le poignard coincé dans sa gorge.

Prime prit appui sur un tas de gravats, sauta dans un cri sauvage, et planta le fer dans son œil.

Un craquement.

Puis une explosion de sang.

Le cri du monstre se mua en gargouillis, puis en silence.

Prime retomba lourdement, son arme toujours plantée dans le crâne de la créature.

La pluie se remit à tomber, fine et froide.

Le sang se mêlait à l'eau, formant des rivières rouges le long du trottoir.

Dans l'ombre, Lofeso observait.

Immobile.

Assis sur une marche,

Il regardait le corps sans vie de la créature que Nolan venait d'abattre.

Le monstre gisait au sol, la gorge ouverte, sa respiration sifflante cherchant encore un souffle qui ne viendrait plus. Son sang noirâtre se mêlait à la pluie, formant autour de lui une mare tiède et luisante.

Ses yeux, d'un jaune maladif, fixaient Lofeso avec une terreur mêlée de supplication.

— P… Père… balbutia-t-elle, la voix brisée, humide de sang.

— Aide-moi… je ne voulais pas faillir…

Lofeso s'approcha lentement, ses pas écrasant la boue gorgée de viscères.

Il s'accroupit devant la créature mourante, posa une main sur son front tremblant.

Un instant, on aurait cru voir de la compassion dans ses yeux rouges.

Mais ce n'était qu'une illusion.

Sans un mot, il enfonça ses doigts dans la chair molle de sa création.

Un craquement écœurant résonna. Les muscles cédèrent. Les os se brisèrent comme du verre humide.

La créature hurla — un cri si aigu qu'il fendit l'air, mélange de douleur et de trahison.

Ses griffes se crispèrent sur le sol, tentant de repousser l'inévitable.

Lofeso tira d'un coup sec.

Les entrailles se déversèrent sur le béton, fumantes sous la pluie froide.

Il arracha un morceau du torse, le souleva dans la lumière tremblotante des néons, et le contempla comme un bijou.

Puis, lentement, il se tourna vers les autres créatures qui se tassaient dans l'ombre.

Le silence tomba.

Toutes baissèrent la tête, les yeux brillants de larmes.

Elles savaient ce que leur maître allait faire.

Lofeso écartela le corps démembré, brisant les côtes d'un geste sec, les transformant en éclats de viande et d'os.

— Regardez-le, dit-il d'une voix calme et terrible. Regardez votre frère. Il était faible. Et la faiblesse… mérite de nourrir la force.

Puis il jeta les morceaux encore chauds à leurs pieds.

Un bras. Une jambe. Un cœur palpitant.

Les créatures reculèrent d'abord.

Elles pleuraient. L'une d'elles murmura un mot incompréhensible, les crocs tremblants.

Mais Lofeso leva la main — un simple geste — et toutes se figèrent.

— Mangez, ordonna-t-il.

La peur prit le dessus sur la peine.

Elles se jetèrent sur la dépouille de leur frère, leurs mâchoires claquant dans un concert de sang et de cris.

Elles dévoraient, pleurant entre chaque bouchée, gémissant comme des enfants punis.

Lofeso les regardait sans émotion, son visage éclaboussé de rouge, tandis que les éclats de chair volaient autour de lui.

La pluie redoubla, comme si le ciel lui-même voulait laver cette horreur.

Mais rien ne pouvait effacer la cruauté du moment.

Nolan, tétanisé, observait la scène.

Et pour la première fois, il comprit que Lofeso n'était pas seulement un monstre.

Il était un dieu de guerre.

Un seigneur né pour dominer la peur.

L'air sentait le fer et la poussière.

Puis, au loin, un vrombissement.

Des bruits de pas.

Des éclats de voix.

Des héros arrivaient.

Leurs silhouettes dorées se reflétaient sur le bitume mouillé.

En tête, Therra.

Grande, droite, le regard dur, tenant son marteau d'énergie bleutée qui vibrait comme un cœur vivant.

Ses cheveux ruisselaient, sa cape collait à ses jambes, lourde de pluie.

— « Déclinez votre identité ! » cria-t-elle.

Sa voix traversa la ruelle comme un ordre divin.

— « En vertu de l'article 25, tout justicier non déclaré doit être arrêté pour non-coopération avec un héros officiel ! »

Lofeso leva les yeux vers elle.

Un éclat d'amusement traversa son visage.

Le lampadaire au-dessus de lui vacilla, révélant son regard.

Therra recula d'un pas.

Elle reconnut cette aura.

Cette odeur de mort qui semblait infecter l'air.

— « Non… il n'y a qu'un seul monstre capable de sentir aussi fort la mort. »

Elle serra son marteau.

Ses doigts tremblaient.

La lumière bleue s'intensifia, projetant des ombres vivantes sur les murs.

Lofeso sourit.

Un sourire lent, presque tendre.

— « Alors, tu m'as reconnu. »

Therra porta la main à son oreillette.

— « Ici Therra, j'ai besoin de renforts immédiats. Deux héros dorés minimum… »

Elle inspira.

— « …c'est lui. »

Lofeso éclata d'un rire rauque.

— « Tu veux attendre tes amis ? Pas bête. Mais tu viens de sceller leur tombe. »

Therra lança son marteau, le choc fit éclater le sol sous ses pieds.

L'énergie illumina la ruelle entière, repoussant les ombres.

Lofeso tendit simplement la main.

Son corps vibra.

L'air se contracta autour de lui.

Prime, qui observait depuis l'ombre, sentit quelque chose :

le cœur de Lofeso battait différemment, plus fort, plus rapide.

C'était le signe.

— « THERRA ! ATTENTION ! »

Mais trop tard.

Lofeso disparut.

Une onde de choc fracassa la rue.

Les vitres explosèrent, les voitures volèrent.

Prime fut propulsé contre un mur, traversant un escalier.

Le vacarme était total : métal plié, feu, pluie, cris.

Une voiture percuta un immeuble, s'embrasant aussitôt.

Une deuxième onde fit s'effondrer un étage entier.

Prime se redressa, la vision trouble, les oreilles sifflantes.

Un éclat de bois s'était planté dans son flanc, mais il l'ignora.

L'instinct dominait.

Une ombre bougea à sa droite.

Deux yeux jaunes, silencieux, fixes.

Un nouveau monstre.

Il avançait par saccades, à chaque éclair.

Prime inspira profondément.

Le monde autour de lui semblait ralentir.

Le bruit de la pluie se fit plus lointain.

Le monstre bondit.

Les deux corps s'entrechoquèrent, la porte d'ascenseur explosa.

Prime planta son poignard dans sa patte, mais fut aussitôt projeté à travers la pièce.

Il se releva, titubant.

Devant lui, le vide : dix étages.

La bête chargea.

Prime arracha le morceau de bois de son flanc, serra le manche du poignard et souffla :

— « On descend ensemble. »

La bête sauta.

Les crocs s'enfoncèrent dans son épaule.

Prime profita de l'ouverture, leva la lame, et lui trancha la gorge.

Ils chutèrent ensemble.

Dix étages de chute.

Le vent hurlait.

Puis — BOUM.

Le choc fit trembler le sol.

Ils s'étaient écrasés sur un bus.

Du sang, des morceaux de métal, des os.

Le silence.

Puis un bruit de pas.

Un héros approcha.

Dans la carcasse, un homme se leva lentement.

Son costume était déchiré, sa peau couverte de sang et d'entrailles.

Ses yeux brillaient d'un éclat presque inhumain.

Il leva la tête de la bête et la jeta au sol.

— « Ehhhhhhh !!! » hurla-t-il.

Le cri résonna dans toute la rue.

Les créatures reculèrent, effrayées.

Même les héros restèrent figés.

Une d'elles murmura, presque religieusement :

— « Prime… »

Et dans le silence revenu, sous la pluie fine,

le nom venait de naître.

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